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Feral Bands

Performance avec Pali Meursault - 2019

Radio, filtres, pédales d'effets

feral bands

Le duo Feral Bands, de Nicolas Montgermont et Pali Meursault, utilise les ondes radio et les interférences électromagnétiques environnementales comme seules sources de ses performances sonores. Explorant le spectre pour en dévoiler la musicalité inattendue, le concert qui en résulte est spécifique à chaque lieu où il est joué.

La recherche de Feral Bands repose sur les évolutions radicales du paysage électromagnétique actuel, marqué par les besoins massifs de bande passante des smartphones, mais aussi par l’abandon d’une partie des ondes, qui sont de fait devenues férales, retournées à l’état sauvage. Ces fréquences, comme les grandes et moyennes ondes (LW/MW), qui accueillaient les radio à modulations d’amplitude (AM), laissent dès lors toute la place à des phénomènes qui ne se destinent plus aux oreilles humaines : interférences, phénomènes de « radio naturelle » liés au climat et aux perturbations électromagnétiques terrestres, ou rayonnements parasites des infrastructures électriques.

Les performances de Feral Bands se construisent à partir des ondes radiophoniques délaissées qui traversent l'espace de jeu. Battements, bruits rythmiques, pulsations, bourdonnements ou bribes de voix de la BBC sont utilisées comme matières premières. Émergeant de l'exploration du spectre, la performance musicale est improvisée en sculptant la matière trouvée : enveloppe temporelle, filtre, distorsion, réverberation, équalisation sont jouées comme des instruments pour révéler la finesse et la complexité des sons rencontrés.

À l'instrumentarium électronique s'ajoute une gestuelle qui se confronte à la matérialité physique de phénomènes électromagnétiques dont les échelles vont du kilométrique au millimétrique, les puissances de l’énorme à l’infime. La proximité, l’interférence des mains et les mouvements des corps des musiciens agissent comme des antennes et modulent les ondes. Feral Bands matérialise notre environnement électromagnétique immédiat, en l’appréhendant de manière autant tactile que sonore, haptique qu’acoustique. Les performaces du duo s’inscrivent dans la filiation des expérimentations magnétiques qui vont du Theremin au radio-art de Tetsuo Kogawa.



Lors de la performance le spectre radio est exploré et sculpté musicalement sur la base d’un canevas temporel minimal et en fonction des découvertes.

La réception radio est l’unique source sonore : le cœur du dispositif de captation électromagnétique est simplement constitué de postes captant les grandes et moyennes ondes, objets en voie d’obsolescence mais toujours disponibles et encore familiers. Les matières sonores captées circulent ensuite à travers des instruments électroniques qui permettent la modulation et la sculpture des signaux : dans les domaines fréquentiels (EQ, filtres AM/FM, résonances...) et temporels (LFO, modulation d’enveloppes...).

Le dispositif du duo occupe une grande table, autour de laquelle les musiciens jouent en face-à-face. Les performances commencent par un « scan » des Grandes Ondes : une visite du territoire radiophonique actuel et local, à l’état brut. Les musiciens s’arrêtent alors sur une fréquence pour ses qualités sonore, puis commencent à développer une structure musicale à partir de celle-ci : superposition d’autres fréquences, filtrage, changements brusques ou lents de réception, activation d’objets parasites ou utilisation des corps comme antennes… Il s’agit d’isoler certains phénomènes pour les faire apparaître comme motifs, ou de travailler sur l’intensité et la plasticité de masses sonores proches du bruit blanc. Les modes de jeu à deux se construisent selon le découpage des continuités, des motifs et des ruptures, et peut se déployer en stéréo ou en quadriphonie, selon les possibilités des lieux.

À l’aide de différents capteurs et antennes, l’auscultation du paysage électromagnétique local se fait également en déplacement : l’un des musiciens circule dans le public pour ausculter les perturbations générées par l’environnement électrique (néons, transformateurs, etc.) ou par le public lui-même (en particulier par les téléphones portables). Dans l'une des dernières versions de la performance, ce paysage électromagnétique fini par se replier sur lui-même : les éléments du dispositifs, débranchés un par un, font entendre leur chant d'agonie dans les heut-parleurs des postes radio à mesure que leurs condensateurs se déchargent…

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© Photos 3&4 par Océane Mena